Avec Thomas JAMET, Président du groupe IPG Mediabrands France, vice-président de l’Udecam
(Union des Entreprises de conseil et d’achat média), professeur à Sciences-Po.

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Thomas Jamet ,
président du groupe IPG Mediabrands France,
vice-président de l'Udecam, professeur à Sciences-Po.

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  • Quelle perspective pour les médias privés dont les recettes publicitaires se sont littéralement effondrées ?

Ca va être un été très compliqué, et une rentrée encore plus compliquée. Nous pensons que nous ne reviendrons pas à la normale avant l’année prochaine … Mais çà ne fonctionnera plus  de la même manière qu’avant la crise.

 

  • Le digital sera sans doute essentiel ?

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Il est de notre responsabilité de comprendre que le digital représente un véritable changement de paradigme(*), qu’il permet de mieux se connecter à nos désirs
On essaie d’utiliser la technologie pour aller toucher la bonne personne, au bon moment L’enjeu c’est d’avoir une publicité qui soit différenciée pour les uns et les autres, que le consommateur soit ciblé.

Les DATA nous permettent  de viser précisément des profils, de vous toucher par exemple vous, plutôt que moi : on avance vers çà !

 

 

  • Depuis une dizaine d’années les modèles économiques sont fragilisés…

Notre boulot, ce sera d’être toujours plus certains que les marques touchent leur public. Ça fonctionne déjà très bien sur les réseaux sociaux. Votre compte Facebook affiche des pubs qui sont différentes de celles de votre voisin !

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La radio devra avancer encore plus vite dans ce sens. En vous connectant sur le site d’une station, vous devez pouvoir être ciblé  en fonction de votre profil, être touché par d’autres messages que ceux que tout le monde entend sur son autoradio. Si vous écoutez le programme en streaming via votre smartphone vous êtes destinataires de messages différents de ceux qui sont diffusés en FM.

Par exemple, si les auditeurs traditionnels entendent le spot d’un boucher, vous, vous aurez le message d’un concessionnaire automobile parce que les Datas permettent de voir que vous avez fait des recherches récemment pour des voitures sur Google.

 

  • Les évolutions que l’on observait depuis quelques temps vont s’accélérer ?

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Les marques qui souhaitent être valorisées par la pub pour séduire les consommateurs ne se suffisent plus de l’exposition sur un seul média.  Toute campagne ne peut plus se concevoir sur un support unique. Pour l’affichage, par exemple, ça évolue avec le développement d’écrans digitaux ; c’est valable aussi pour la radio ou la presse écrite. Si des médias disparaissent c’est parce qu’ils ne sont uniquement que des canaux de diffusion.

Les marques veulent exister de nouvelle manière, elles se fondent dans des services. Par exemple, certains magazines créent des boutiques, des cafés ou des restaurants ou des lignes de fringues de luxe. Ils créent des espaces, du service… L’idée c’est de dépasser le message traditionnel écrit ou audio…

C’est incontournable il faut prendre en compte les nouveaux usages de consommation des médias, il y a  de lourdes conséquences.

Selon Médiamétrie sur la période Janvier-Mars 2020 ( et l'étude n'a pas pris en compte la deuxième quinzaine, celle du confinement), l’audience de la radio sur les supports multimédia atteint près de 8 millions d’auditeurs quotidiens. Cela représente 14,5% des Français de 13 ans et plus. Un chiffre en progression de 1,2 point sur un an.

Regardez aussi la progression exponentielle du  «e-commerce» ces dernières années. Cela a encore plus explosé avec le confinement. Les gens ont encore plus commandé sur internet puisqu'ils ne pouvaient pas facilement sortir pour faire leurs courses. 

En 2 mois on a gagné 2 ans !

 

  • On est donc dans une période de réinvention de la communication …

Oui et les marques doivent jouer un rôle. Évidemment, elles ne vont pas sauver le monde, mais elles ont une responsabilité. Elles font partie du paysage. On ne se rend pas compte de l’importance de la publicité dans le PIB français, c’est considérable… D’ailleurs on peut regretter que l’état n’ait pas assez aidé ce secteur. Il ne le fait pas parce qu’il serait accusé d’aider la publicité que les gens disent détester alors qu’en fait ils l’adorent !

Les marques ont un rôle à jouer dans cette crise parce qu’elles ont un pouvoir d’expression, de conviction. Elles sont de plus en plus transactionnelles. Elles ne sont plus uniquement des produits, du «serviciel». Elles peuvent réellement intervenir dans la vie des gens, dans l’environnement, proposer des choses au-delà de la communication et de la vente d’un produit, c’est ce qu’on appelle la «Brand Utility», l’utilité de marque.

 

  • Mais de ce point de vue comment les médias traditionnels peuvent-ils s’adapter ?

Malgré les difficultés du moment il faut croire en l'avenir, s'adapter pour exister et coller à l'époque. Il faut aller de l'avant et consentir à des investissements technologiques incontournables pour mieux cibler les lecteurs ou les auditeurs via le digital.

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Et puis il y a les contenus. Une station de radio a sa personnalité, son identité, son public, ça a de la valeur. Il faut créer des émissions autour d’une marque, imaginer un projet éditorial comme si la marque était le producteur de l’émission.

Il va falloir pour cela enfin abolir les barrières entre les régies publicitaires et les gens de programme voir les journalistes. En France ça reste une idée qui est jugée «pas très catholique». Alors que les anglo-saxons ont compris et accepté ça depuis longtemps.
Et ceux qui n’ont pas su prendre ce virage-là  ne sont malheureusement plus là pour le dire …

(*) Paradigme : représentation, vision du monde, modèle courant de pensées, point de vue.

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