Tempêtes, inondations : Par nature, les radios locales servent leurs publics. Entretien avec François Desnoyers, créateur du réseau France Bleu. |
Des rafales à 170 km/h attendues sur les caps les plus exposés,
risque de pluie-inondation…
La nuit prochaine,
la tempête Ciaran doit frapper violemment la Bretagne
mais aussi tout le littoral ouest de métropole.
Comme le font plus fréquemment leurs consoeurs d'outremer habituées aux cyclones,
beaucoup de stations de l'hexagone s'apprêtent à bousculer leurs programmes.
Selon Médiamétrie, les bretons écoutent d'ailleurs plus la radio qu'ailleurs.
C’est en effet en ces circonstances que les médias locaux jouent leur rôle essentiel
et sont plus que jamais au service des publics.
L’histoire du réseau des radios locales de Radio France est marquée par ces épisodes
comme à Noel 99 où en raison
des coupures de téléphone ou d'électricité,
ces stations ont alors souvent été le seul lien avec le reste du monde.
Consultant en stratégie et communication, auteur,
ex dirigeant à France Télévisions, RFO,
Publicis Groupe,
il a été Directeur Général à Radio France
et à l’origine de la création du réseau France Bleu.
Coup de fil à François Desnoyers.
"Dans des circonstances de météo exceptionnelle, les médias de proximité, surtout ceux qui diffusent en temps réel,
ont une place incontournable.
Que ce soit pour délivrer une information sans cesse actualisée avec un maximum de précision géographique
le village, la rue, le quartier,
pour agir concrètement en termes de services,
mais aussi accompagner avec empathie les habitants en détresse ou en danger."
"La radio, pour cela, reste un outil incomparable.
Elle est avant tout la voix présente, proche et rassurante qui sait aussi donner la parole aux habitants inquiets, aux témoins,
aux service publics et de secours,
aux associations,
à tous les acteurs de la vie locale brusquement perturbée.
Grâce à son standard ouvert en permanence,
elle donne au plus vite la parole à tous.
On n’imagine pas, dans de telles circonstances, l’importance, utile mais surtout profondément humaine et pleine d’émotions les plus diverses, de la voix en direct.
Ce que les réseaux digitaux,
très utiles de nos jours,
ne parviennent pas à restituer
vraiment dans l’instant.
Ou alors pour un volume de public local instantané beaucoup plus faible.
En fait, aujourd’hui, les deux médias sont parfaitement complémentaires."
Vous avez vécu et piloté ce type de situation alors que vous étiez Directeur Général à Radio France au début des années 2000…
"Alors chargé de mission au sein de l’équipe de développement local, je me souviens très bien combien et comment,
au milieu des années 80, le jeune réseau des locales de Radio France qui deviendra plus tard France Bleu
dont le modèle avait été mis au point en particulier par Daniel Hamelin et quelques pionniers de son espèce,
a joué un rôle central
dans l’accompagnement du public confronté à des crises climatiques.
Les retours des publics,
mais aussi des pouvoirs publics et des élus locaux étaient extraordinaires
et très encourageants
pour ces jeunes radios locales qui se trouvaient alors en pleine bagarre de la FM.
Disons-le franchement,
le réseau en a tiré aussi durablement profit en termes de crédibilité,
de proximité de ses publics
et d’audience."
Il y a plusieurs épisodes particulièrement marquants
dans l’histoire de la montée en puissance des radios locales de service public …
"J’ai en effet en tête,
à titre d’exemple, deux stations,
Amiens et Nîmes,
qui, à l’occasion de grandes inondations qu’ont connu leurs zones de service,
se sont révélées au public dans des proportions que nous n’osions même pas espérer."
"Ces deux stations étaient issues
de l’ancien réseau FR3 Radio où,
pour des raisons notamment de trop grande zone géographique à couvrir,
elles pratiquaient assez peu la vraie proximité que permet la locale.
Récemment rattachées à Radio France par la loi audiovisuelle de 1982,
elles peinaient encore à trouver leur public.
La façon très efficace dont elles ont accompagné les gens dans les zones inondées
a été un choc pour les publics,
mais aussi pour nous.
Il s’en est suivi très vite une montée spectaculaire de leurs audiences,
qui sont ensuite durablement restées à un niveau très haut,
faisant d’elles, dans leurs zones respectives,
des médias incontournables.
Tout à coup, elles étaient reconnues !"
Et puis il y a eu les énormes épisodes Lothar et Martin des 26 et 27 décembre 1999 …
"En effet …
Ces 2 fameuses tempêtes qui ont balayé la France ont été l’occasion pour le réseau local de Radio France,
qui entre temps avait singulièrement grandi,
de montrer l’efficacité de sa présence
auprès des publics locaux,
mais aussi sur les antennes de France Inter et France Info où les stations du terrain
et leurs centaines de journalistes
étaient des correspondants irremplaçables et précieux.
Le rôle des locales dans ces circonstances d’exception n’a d’ailleurs, par la suite,
pas échappé à la Direction de la Sécurité civile du ministère de l’Intérieur
avec qui nous avons commencé à collaborer de façon systématique."
"A charge pour les Préfets et les Directeurs des locales de Radio France de se rapprocher dans les départements
pour mettre au point ensemble des procédures précises destinées aux cas de crise."
La tempête de 1999 a été une occasion exceptionnelle de démontrer l’efficacité et le rôle du service public de proximité...
"Oui, avec des centaines de récits et témoignages qui en donnaient pleinement la mesure !
A tel point que Jean-Marie Cavada, alors Président de Radio France, et moi-même,
Directeur général délégué,
avons pris l’initiative, début 2000
alors que nous préparions la grande mutation du réseau local de Radio France en futur réseau France BLEU
de faire écrire un petit livre de témoignages sur
" Les locales au cœur de la tempête ".
"Un livre destiné aux décideurs publics et institutionnels,
dont, en priorité, les élus parlementaires.
Une façon originale et efficace de souligner toute l’importance de l’action locale de la radio publique,
notamment dans les situations de crise. "
Thierry Mathieu,
e-crossmedia,
le 1er novembre 2023.
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