Comme à bord d'un vaisseau fantôme , nous franchirons demain 5 mai 2020 le cap du 50ème jour de confinement : le 50 eme rugissant ! Quel témoignage pouvais-je publier sur e-crossmedia.com pour marquer le coup de cette date symbolique ? A qui donner la parole sinon à l’un des professionnels et observateurs des médias les plus emblématiques du PAF. J’ai choisi de passer un coup de fil à ... |
Serge MOATI |
Moati, l’homme qui met en scène et réalise, le 21 mai 81, pour la télévision, l’incroyable cérémonie de François Mitterrand au Panthéon., le réalisateur de télévision, - toujours – dans l’ombre de débats télévisés d’entre-deux tours de la présidentielle. Celui de quelques mémorables « Marche du Siècle » avec Jean-Marie Cavada, le bouillant présentateur durant 10 ans de « Ripostes », sur France 5. Sans oublier l’acteur qu’il est également dès 1959 devant la caméra de Truffaut, ou l’écrivain aux multiples bouquins dont la remarquable autobiographie « Villa Jasmin ».
Comment vit-il cette séquence hors du temps, est-il l’intellectuel serein rêvant du « Café des Délices » ou un ours en cage au bord de la crise de nerfs ?
L’échange ne pouvait évidemment pas ressembler à l’interview plutôt factuelle que j’avais imaginée et que je mets ici en ligne chaque jour.
J’ai laissé tomber mes questions, en tentant de retranscrire ici, sans trahir le récit, les phrases d’un Moati effectivement en pleine ébullition. Colère, dépit, autodérision… Accro à la télé, le créateur enfermé patauge dans ce flot d’images et livre une guerre à sa manière contre ce satané virus qu’il appelle «le tueur masqué» ! Thierry Mathieu, e-crossmedia.
Serge Moati :
« … Je me sens complètement prisonnier, malgré des conditions de confinement favorisées. Les télés disséminées dans mon appartement diffusent les flux continus des chaines Info, du matin au soir. Il n’y a que le petit écran de la chambre que j’éteins la nuit, seulement pour dormir ! Et c’est très épuisant. Je suis comme tout à chacun, à regarder ces professeurs de médecine qui défilent sur les plateaux, qui disent souvent tout et son contraire. Je n’y comprends rien, ou pas grand-chose !
Chaque jour des infos tout à fait déroutantes apparaissent, pullulent. Tout se mêle dans mon esprit, tout se mélange … Par exemple, l’histoire de la maladie de Kawasaki dont on a entendu parler ces derniers jours, du nom du médecin japonais qui l’a découverte en 1977 et qui toucherait les enfants … J’ai dû faire moi-même des recherches pour tenter de comprendre, tant ce qui se disait sur les plateaux télé était totalement flou. Ca crée un malaise insoutenable.
Alors ma thérapie à moi c’est l’écriture, je rédige une sorte de journal, toujours sur le mode «dérision».
Ce tumulte me conduit à divaguer, à laisser libre cours à mon imagination. J’ai fantasmé … J’ai imaginé que Kawasaki, c’était une bombe atomique qui aurait irradié toute la planète pour faire en sorte que les parents aient encore plus peur de renvoyer leurs enfants à l’école.
Une autre actualité qui m’a fasciné : la contamination de l’équipage du Charles de Gaulle, notre porte-avions, notre navire amiral.
J’ai imaginé qu’il était en fait victime d’une puissance étrangère pour affaiblir notre défense nucléaire afin de mieux nous attaquer. J’ai fait tout un truc sur la ville maudite de Brest où les marins se sont trouvés en escale et ont été pour beaucoup contaminés. J’ai imaginé que c’est parce qu’il y avait des espions malfaisant partout dans les rues, et qu’ils ont disséminé le virus en infectant nos militaires avec le virus… Si j’étais un ennemi de la France j’attaquerais maintenant !
J’ai aussi déliré sur Trump et ses piqûres d’eau de Javel, j’en ai fait des tonnes … J’essaie de me marrer, d’ajouter mon imaginaire pour tourner en dérision les jours funestes que nous vivons.
Je ne suis pas un traitre pour la profession. J’ai tant présenté ou réalisé d’émissions ! Personnellement j’admire beaucoup ce que fait David Pujadas, lui parmi d’autres, pour ne fâcher personne ! Je ne le connais pas, mais quand j’en parle je l’appelle David. Il tente d’aller plus loin, de ne pas sombrer dans la folie ambiante. On l’écoute et on hoche la tête.
Tout de même, pour revenir à ce que font les confrères dans la vraie vie sur leurs plateaux télé, je ne souhaite surtout pas tomber dans un «journalisme bashing», même si leurs émissions sont vraiment déroutantes.
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