Olivier CORSAN,
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La crise qui éclate au journal Le Parisien, dès la sortie de la crise sanitaire, apparaît comme emblématique. Les pages locales des éditions «papier» du quotidien doivent en effet être remaniées, pour ne pas dire remises en cause, par la direction d’ici une dizaine de jours. En achetant le journal en kiosque, le lecteur ne bénéficierait plus des articles d’hyper-proximité. Parmi les pistes évoquées par la direction, la priorité devra être donnée au numérique, à une stratégie de recrutement d’une nouvelle génération de lecteurs et à la mise en avant des sujets relatifs à la parité, la diversité, et la transition écologique. La direction précise, en outre, qu'elle passera en revue tous les postes de dépenses. En AG, la majorité des salariés a rejeté le principe d’une grève reconductible. Mais pour autant, l’inquiétude va grandissante, surtout dans les rangs des localiers.
Le Parisien publie chaque jour 10 éditions, une nationale qui s’appelle aujourd’hui en France et 9 versions départementales c’est-à-dire 8 pour les départements d’Ile de France et
une supplémentaire pour l’Oise. Pour chacun de ces journaux, il y a tous les jours un cahier d’environ 12 pages, consacré à l’information de proximité. Quand est arrivé le confinement beaucoup de points de vente ont été fermés. Nous même, nous nous sommes mis en télétravail, et la direction a décidé de mettre en place une édition unique avec un cahier dit «régional » qui était une sorte de compilation.
Au lieu d’avoir 9 fois 12 pages, on a eu un cahier qui n’a fait qu’entre 16 et 20 pages. Personne n’y a trouvé à redire dans ces conditions qui étaient difficiles pour tout le monde.
Depuis, vous n’êtes pas revenus à la configuration initiale ?
En effet. ! La directrice du Parisien, Sophie Gourmelen, nous a dit qu’il n’était pas question de remettre en place les éditions telles qu’elles existaient avant la crise; en tous cas, pas avant septembre. Donc ça ferait 5 mois sans cahier départementaux ! Cette perspective nous a beaucoup choqué, d’autant que le 2ème tour des élections municipales arrive et qu’il y a des campagnes électorales que nous n’allons pas pouvoir couvrir. Nous avons eu une fin de non-recevoir.
Le journal emploie entre 350 et 400 journalistes. Il y en a quelques 130 qui travaillent pour les éditions locales et départementales.
Mais ces journalistes travaillent autant pour la version papier, qu’on appelle le «print», que pour la version digitale ...
Pour nous, il est là le problème. La direction entend visiblement maintenir l’info locale sur le web. Mais beaucoup moins dans la version originelle, celle du «print», la version papier … Or, les 2 lectorats ne sont pas les mêmes ! Les lecteurs traditionnels de la version papier seraient beaucoup moins bien servis: ils perdraient en proximité puisque le projet est de pérenniser le concept «grande région» mis en place pendant la pandémie. Ces lecteurs là, nous allons les abandonner, il est quasiment certain que nous ne les retrouveront pas sur le web. Voilà pour la forme
Mais il y a aussi le fond: sur le web, en régionalisant, vous mettez en avant des sujets de bien plus large envergure, d’intérêt global à l’échelle de toute l’île de France. Les transports, les loisirs, il y a même une cellule d’investigation francilienne qui a été créée … Mais tout cela c’est donc au niveau régional, la proximité locale y perd.
La réelle proximité au sens géographique serait donc selon vous menacée ?
C’est évident ! La manière de «consommer » un journal est bien différente si vous achetez la version papier, qui traite de votre hyper-proximité, ou si vous consultez la version web sur votre smartphone dans le RER, le bus ou le métro. Si vous ouvrez le site du Parisien, et qu’on vous parle d’un sujet qui se situe à Versailles alors que vous habitez Chelles, à l’autre bout de la région, vous ne serez pas autant concerné ! Les logiques sont différentes, d’où notre inquiétude. L’offre d’information de proximité aura-t-elle encore sa place ? L’ile de France est la plus grande région économique d’Europe ! Nous avions cette chance jusqu’alors d’être le dernier vecteur d’actu en réelle proximité par le «print»,et d’assumer cette mission d’information vraiment concernante!
Mais vous n’êtes pas contre l’incontournable développement du web ?
Bien sur, aujourd’hui il représente l’avenir en termes de mode de consommation des médias, si tant est qu’il soit payant évidemment. Toujours est-il que le modèle économique, qui est toujours viable c’est la version papier. Il est trop tôt pour pour ne penser qu'au web. Il s’agit surtout, dans le fond, de maintenir le maillage de reporters pour garantir notre mission de service aux publics. La proximité est essentielle pour notre journal.
Bien sur, aujourd’hui il représente l’avenir en termes de mode de consommation des médias, si tant est qu’il soit payant évidemment. Toujours est-il que le modèle économique, même si il est déclinant, qui est toujours viable c’est la version papier. Il est trop tôt pour ne penser qu'au web. Il s’agit surtout, dans le fond, de maintenir le maillage de reporters pour garantir notre mission de service aux publics. La proximité est essentielle pour notre journal.
le 06 juin 2020.
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