"Médias citoyens", sur Twitter ! Ou comment être à l'affut des dérives des journaux, radios et télés ... Entretien avec l'internaute qui, avec ses followers, fait un buzz remarqué chez les pros et les passionnés de médias.
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Quadra et provincial, avec une double formation en économie et en psychologie, il est passionné par les médias.
Depuis des années, via son réseau social personnel, cet internaute partage ses observations sur la qualité et les défauts qu’il constate à la radio, à la télévision et en presse écrite.
Un jour, un Tweetos qu’il ne connait pas lui écrit en commentaire :
"Pourquoi ne faites-vous pas un compte totalement dédié à cette thématique ?".
L’idée se concrétise il y a un mois. Il crée sur Twitter "Médias Citoyens" et comptabilise déjà près de 9000 followers dont des ministres et 280 pros de l’info.
Il tient a rester pour l'instant anonyme, et revendique être un amateur, éclairé, mais réfute l’idée d’être un journaliste.
Du coup, nous pourrions l’appeler "M. Jourdain" !
Coup de fil à l’internaute qui publie sur Twitter le compte "Médias citoyens".
"Avec d’autres internautes qui me rejoignent, nous avons l’ambition de défendre l’intérêt et la position des citoyens utilisateurs de médias,
mais nous ne nous considérons pas comme des journalistes !
Nous n’en avons pas la formation, même si nous mettons en œuvre les mêmes pratiques.
Mais comment faire pour mettre au jour des dérives, des abus ou des mécaniques populistes si on n’utilise pas les outils d’analyse, d’identification et de recoupement ?
C’est une démarche qui est proche de celle d’un enquêteur :
réfléchir, comparer, vérifier les infos, et essayer de faire une synthèse et publier une analyse.
Finalement ce sont des techniques qui ne sont pas réservées qu'aux professionnels de la presse !
Notre ambition est de proposer des analyses éditoriales, sémantiques et sémiologiques,
nous souhaitons être une vigie citoyenne de la désinformation et des dérives populistes dans les médias français".
Donc vous êtes aux aguets et publiez sur Twitter tout ce qui vous semble hors-jeu dans les journaux, à la télé ou à la radio …
"Nous sommes nombreux à constater qu’il y a une sorte de dérive lente d’un certain nombre de médias :
l’opinion prend le pas sur les faits, beaucoup de journalistes mettent en avant leur propre point de vue.
C’est le but d’un édito, mais pas correct quand il s’agit d’un reportage ou d’une émission sur une chaine info par exemple.
Nous attendons que les choses soient expliquées plutôt qu'entendre ce que pense le journaliste.
De plus en plus, au lieu de proposer des éclairages pour accompagner le citoyen dans sa compréhension de la société et du monde,
les médias se confrontent comme des blocs idéologiques.
Ces chaines qui se revendiquent "neutres » le sont de moins en moins.
Je pense que de nombreux pros de l’info ne se rendent pas compte de la bulle cognitive dans laquelle ils se trouvent".
C’est un profession qui a toujours refusé la création d’un « Ordre », à la manière des médecins ou des architectes,
qui serait garant du respect de son savoir-faire et de sa déontologie …
"Les grands médias s’y opposent de manière absolue.
Cela a été le cas au Monde ou au Figaro il y a quelques temps. Ils se retranchent derrière leurs propres chartes internes, alors qu’elles sont en vérité bafouées quotidiennement.
Chacun peut constater des dérives, des erreurs grossières dans la recherche de la vérité :
la résonnance des mots, le choix de certaines formulations véhiculent des messages qui, de fait,
ne respectent pas le fait d’actualité initial.
Il y a peu d’exigence puisque ces organes de presse sont juges et parties…
A la télé ou à la radio, c’est comme au théâtre …
J’ai assisté au Festival d’Avignon à une pièce qui jouait sur les subtilités langagières et sur les inflexions de la voix.
Suivant l’intention de l’acteur, mais c’est vrai aussi pour un animateur ou un journaliste, la prononciation du même mot peut avoir des effets totalement différents !
Du coup, la réaction du public, du récepteur, n’est plus du tout la même.
C’est une lourde responsabilité : que veut-on dire, comment, à qui … Quel message, quelle information veut-on transmettre ?
Je pense que quand c’est son métier, chacun doit avoir une forte conscience de l’impact du poids des mots, de leur conséquence !"
Vous êtes critique avec les médias professionnels,
mais que dire de celles et ceux qui s’improvisent journalistes sur les réseaux sociaux sans aucune formation ni déontologie,
et qui commencent à être considérés par nombre d’internautes comme des sources d’information crédibles ?
"C’est une catastrophe …
Mais c’est la conséquence de la technologie numérique, toute l’ambiguïté crée par les réseaux sociaux,
à partir du moment où tout le monde peut publier et toucher le plus grand monde !
Nous-mêmes, sur notre compte Twitter "Médias Citoyens", nous nous cantonnons à observer et à critiquer seulement les organes de presse dignes de ce nom,
qui ont pignon sur rue.
Eux-mêmes pourtant ont un esprit clanique, et ont du mal à s’auto-contrôler.
En psychanalyse, il y a un principe essentiel :
"Est-ce que je peux moi-même m’évaluer, de façon satisfaisante ? ".
C’est n’est pas par hasard qu’il existe le cadre de la cure.
Une tierce personne peut, au cours de l'analyse écouter, entendre, reformuler,
parfois ne rien dire, parfois suggérer de façon discrète.
Par ce cadre de neutralité et grâce à un regard extérieur, on prend conscience de ce qui se joue chez soi…
C’est très difficile pour tout à chacun, et donc aussi pour les journalistes !
Quand ils sont dans leurs problématiques économiques ou avec des conditions de travail parfois précarisées, il leur est difficile de se poser en permanence des questions, de savoir revenir aux fondamentaux,
et de s’appliquer à eux-même une forme d’exigence pourtant nécessaire."
Le public de son coté ne veut pas entendre que l’information, comme tout métier, se pratique dans le cadre d’un marché qui est concurrentiel.
N’est-ce pas une réalité, incontournable, qui peut conduire à des pratiques qui éloignent les pros du secteur de leur éthique ?
"Nous avons une représentation qui est tout à fait respectable dans notre pays de ce que doivent être des secteurs qui devraient être protégés du fonctionnement capitalistique.
C’est le cas aussi du cinéma : les américains en parlent plus facilement que nous comme d’une industrie, alors que les mécanismes sont exactement les mêmes.
De la même manière, nous considérons en France que le domaine du journalisme devrait être protégé suffisamment des contraintes économiques,
alors qu’en réalité les trois quarts de nos médias appartiennent à une dizaine de personnes ! Dans ce secteur privé, chacun peut constater la porosité entre les lignes éditoriales et l’actionnaire,
mais les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs peuvent choisir leur média en connaissance de cause.
D’où l’exigence encore plus essentielle à l’égard des chaines de service public, de France Télévisions ou de Radio France car les actionnaires, c’est nous !
Ils doivent être, au maximum, représentatifs de la société. "
Pour suivre les publications de "Médias citoyens" :
https://twitter.com/medias_citoyens
Thierry Mathieu,
Président d'e-crosmedia,
le 23 Mars 2023.
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