Harcèlement, racisme, négationnisme, fake news … Le "DSA", la surveillance du web et des réseaux sociaux, entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Entretien avec Jean Marie Cavada, président de l’Institut des Droits Fondamentaux Numériques. |
Lutter contre les atteintes à la dignité humaine, le harcèlement, les risques spécifiques pour les mineurs, la haine en ligne, ou encore la désinformation, les appels à la violence, les opérations de déstabilisation d’élections …
Voilà le but du DSA, le Digital Service Act qui sera applicable dès 2023, le décret est publié ce jeudi 27 octobre 2022 au journal officiel de l’Union Européenne.
Hasard du calendrier : Elon Musk acquiert officiellement le même jour "Twitter", pour 44 milliards.
Le PDG de Space X, directeur général de Tesla et désormais donc patron de la plateforme, déclare d'ailleurs : "l'oiseau est libre" !
En Europe en tous cas, les plateformes -dont Twitter- devront mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à la construction d’un internet plus sûr et agir avec responsabilité et transparence,
notamment en ouvrant plus largement l’accès à leurs données, sous peine de sanctions financières dissuasives.
Coup de fil à Jean Marie Cavada, député européen de 2004 à 2019, ancien PDG de Radio France.
L'emblématique journaliste, producteur de la Marche du siècle, est aujourd’hui à la tête d’IDF Rights : l’Institut des Droits Fondamentaux Numériques.
"Pour tous les usagers il faut savoir que l’Europe est un continent un peu exemplaire à travers le monde, observé par les australiens, les canadiens, les californiens, et certains pays d’Afrique, notamment l’Afrique du sud.
Je ne parle pas de l’Amérique du sud sur laquelle d’autres problèmes pèsent …
Depuis une vingtaine d’années, l’Europe a cherché à réguler deux choses :
le marché avec le "Digital Market Act"
et donc maintenant les contenus avec ce "Digital Services Act".
C’est une sorte de police chargée de surveiller tout ce qui est publié sur le web et donc les réseaux sociaux. En France la mission est partagée entre l’Arcom et la Cnil,
la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés qui effectue un travail considérable.
Cet organisme est l’un de plus sourcilleux et des plus vigilants d’Europe.
Ce "DSA", pour être simple et concret, dit :
les contenus illicites sont interdits, évidemment, et ils doivent être signalés.
Des poursuites peuvent alors être engagées.
Il y a tout un système de surveillance qui se met donc en place, même si le montage apparaît très technocratique, pour assurer le respect de la vie privée, lutter contre le harcèlement, la déstabilisation des systèmes démocratiques.
Quand ce ne sont pas, parfois, des calomnies qui poussent certains individus au suicide ..."
En ces temps de guerre qui frappe le cœur de l’Europe, on voit que le web est un réel champ de bataille.
La propagande et la désinformation sont des armes dévastatrices …
"Lutter contre la désinformation est l’un des buts du DSA, mais les outils dont on dispose sont des outils "à postériori".
C’est-à-dire qu’en Europe le projet n’a pas été poussé jusqu’à l’ultime nécessité : confier la responsabilité éditoriale aux GAFA.
En fait, elles font de la communication publique ces plateformes : elles prennent un contenu et elles le dirigent vers le grand public.
Il faudra donc aller vers une réelle responsabilisation, une forme de « direction de la publication », et un dispositif qui soit opérant pour chaque langue de façon à être efficace partout, sur tous les continents :
l’espagnol, l’anglais, le chinois , le russe, le français …
Le projet est ambitieux, la chasse sera difficile.
Les plateformes se réfugieront derrière le fait qu’elles ont des algorithmes difficilement gérables. Mais surtout il va leur falloir mettre en œuvre une réelle modération de ce qu’elles publient, et "modérer", ça coûte cher !"
Et quid des « pseudos » ? Aujourd’hui sur le web n’importe qui peut s’appeler n’importe comment et publier n’importe quoi …
"De la même manière que je souhaite que les plateformes s’équipent de directeurs de la publication par grand groupes linguistiques, il faut en effet aller plus loin sur cette problématique.
En réalité, il faut supprimer "l’anonymisation".
Quand on émet un avis, une opinion , une information ou un commentaire, il faut se signaler, tout simplement.
Si je fais une tribune dans la presse et que j’insulte la moitié de la terre, je serais bien obligé de passer par l’analyse qu’en fera le directeur de la publication et je signerais donc mes propos.
Nous n’y sommes pas, nous en sommes même encore très loin, même si ce DSA est une réelle avancée.
Il faudra une deuxième vague de régulation des contenus ".
IDF Rights entend poursuivre des recherches à partir de principes éthiques, juridiques, économiques et technologiques,
produire des standards puis des normes éthiques et juridiques, ensuite traduites et mises en oeuvre techniquement,
accompagner l’élaboration de décisions politiques en faveur d’une gouvernance maitrisée des données au service de l’intérêt général :
celui des citoyens, des acteurs économiques et des acteurs publics et promouvoir auprès des décideurs, des utilisateurs et de l’opinion publique une démarche éthique et responsable en matière d’emploi des données numériques.
e-crossmedia, le 27 octobre 2022.
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