Face aux réseaux sociaux, vérifier l'info. Stop à la course à l'échalotte ! |
Maxence Petitjean Journaliste - Directeur adjoint de l'information de France Bleu (en charge du numérique) ; directeur adjoint de l'Agence Radio France Paris et Périphérie.
Voilà des années que nous nous rendons compte de part l’hégémonie des réseaux sociaux dans la vie des médias, en tant que source et canaux de diffusion, qu’il faut absolument affiner nos vérifications de l’info qu’on apprend dans les écoles de journalisme !
C’est la base du métier : recouper une info, la vérifier. Facebook, Twitter sont de potentielles sources d’info, mais à la fiabilité incertaine.
Donc il nous faut mettre en place à la fois des process et des outils.
Les outils c’est ce qu’il y a de plus simple parce que la technique du numérique nous aide à authentifier, à débusquer les montages malfaisants … Les systèmes s’appuient sur des métadonnées associées si bien qu’il est possible par exemple, grâce à la géolocalisation, de déterminer à quel endroit a été prise une photo et en quelle année.
Les process, ils reposent sur l’humain. Ces missions essentielles sont confiées à des gens qui ont la responsabilité de se poser les bonnes questions :
"Est-ce que je suis certain que le document ou le témoignage qu’on me rapporte est vrai. Comment le vérifier, quel outil mettre en œuvre? "
Surtout, être bien conscient et responsable : "tant que je n’ai pas la preuve de la véracité, je ne diffuse pas".
Il faut du coup relativiser la course à l’exclusivité, l’idée que le média qui publie une info le premier est le meilleur ?
Nous nous sommes dit : « Du calme ». Il faut sécuriser, sanctuariser l’information estampillée Radio France.
Ça a débuté avec France Info, assez naturellement…
Une agence a été créé, avec une équipe en charge de valider, de certifier, et de communiquer instantanément aux journalistes qui sont à l’antenne pour qu’ils puissent toujours mieux diffuser l’info la plus récente, mais aussi la plus sûre, la mieux vérifiée possible.
Il y a dans ce dispositif en particulier la cellule "le vrai du faux" en charge d’authentifier entre autres ce qui circule sur les réseaux sociaux.
Il y a aussi toutes les infos qui remontent des régions grâce à la mobilisation des 44 équipes des radios locales en métropole …
Oui, et elles nourrissent beaucoup France Info, la radio d’information continue. Mais les moyens ne sont pas les mêmes. Chaque rédaction en région est à effectif réduit.
Le plus souvent un reporter se rend seul sur un évènement, un fait divers par exemple.
Avec le meilleur professionnalisme et la meilleure volonté du monde, certains éléments peuvent lui échapper.
Voilà pourquoi nous souhaitons aujourd’hui faire évoluer notre dispositif global.
Il faut s'organiser pour que nos équipes de vérificateurs à Paris puissent aussi venir en appui aux journalistes de France Bleu partout sur le terrain : travailler avec eux, les épauler, leur venir en aide pour, dans l’intérêt de tous, que l’information soit le mieux possible validée. Même si une info est en partie enrichie par l’aide de confrères de presse écrite, il nous faut la vérifier.
Elle doit, "in fine", être estampillée "Radio France". Ensuite elle peut être diffusée sur toutes nos antennes, ainsi que sur celles de France Télévisions puisque nous travaillons ensemble pour la plateforme de France Info.
Est-ce que la crise Ukrainienne, et la nécessaire vérification pour constituer des preuves de crimes de guerre, donne un coup d’accélérateur ?
En fait non !
Ça donne un coup de projecteur.
Cela permet de valider le fait qu’on est capables d’assurer réellement la certification de l’information.
Les fausses photos ou témoignages russes, on les démonte en quelques minutes.
Finalement cette crise, comme c’est souvent le cas, nous permet d’intensifier le chantier que nous avons débuté depuis plusieurs années.
Sur quelque média de service public que ce soit, à l'antenne ou sur un compte Twitter, il faut que notre publication soit digne de confiance.
Ça nous positionne en "référent".
Dès le 24 février nous avons pu, grâce à notre dispositif, faire la différence.
Comme cela avait été le cas au moment de la pandémie ou les fake-news ont été légion.
Mais attention, nous sommes toujours en mode "humble". Chaque jour nous cherchons à tirer des leçons de nos expériences, pour toujours évoluer, progresser.
D’autant qu’en permanence de nouveaux procédés de fake-news apparaissent, via des trucages numériques.
Il est possible, sur une vidéo par exemple, de faire dire n’importe quoi à une personnalité. Chacun le croit à priori …
La technologie va très vite.
En fait : c’est le jeu du gendarme et du voleur. C’est grâce au talent du brigand que l’enquêteur monte en Quali !
Il faut donc prendre le temps,
et ne pas se précipiter à l’antenne ou publier illico-presto sur internet, quitte à se faire griller par la concurrence ?
En effet. Nous l’avons vécu très récemment.
A Radio France nous avons eu une bonne demi-heure de retard sur les confrères le soir du décès d’Yvan Colonna. Nous n’arrivions pas à joindre sa famille …
Certains se sont peut-être contentés d’un coup de fil avec quelqu’un qui a pu prétendre être son frère ...
Nous, ça ne nous suffit plus. Nous sommes toujours plus exigeants.
On assume.
Le doute n’est plus permis.
Quand on diffuse une info, il faut qu’elle soit bonne.
Il faut mettre fin à la terrible course à l’échalotte !
e-crossmedia, le 8 avril 2022.
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