444 jours après le début de la guerre, retour vers le futur des bonnes vieilles technologies ! Les ondes courtes reprennent du service pour pallier, au cas où, de possibles défaillances du web … Entretien avec Michel Frémy, auteur du site Radio Magazine.

e-crossmedia, quelques jours après le déclenchement de la guerre en Ukraine, avait déjà contacté ce passionné de radio.

Face aux menaces d’attaque d’internet, avec en particulier les risques de sabotages de câbles sous-marins,

il nous avait expliqué comment le monde de la finance s’organisait discrètement pour sécuriser les systèmes de communication.

15 mois après les premières attaques de l’armée russe, où en est-on ?

Coup de fil à Michel Frémy, chroniqueur pour la RTBF, auteur du site Radio Magazine sur Facebook et Linkedin et du site Média Info.

 "En réalité cette sécurisation des systèmes de communication entre les places financières, pour pallier d’éventuelles défaillances du web, a débuté bien avant la crise ukrainienne …

Les milieux boursiers ont doublé des liaisons terrestres et satellitaires par des transmissions data en ondes courtes,

et elles s'avèrent même plus rapides.

Aux États-Unis, il a été signalé qu'il y avait plus de 157 stations à ondes courtes, pour les milieux financiers, en 2018.

Maintenant, c'est le Japon qui installe, dans la préfecture de Chiba près de Tokyo, des liaisons en ondes courtes,

une de 10 kW pour la liaison avec Chicago, l'autre de 5 kW pour des liaisons avec les Philippines."

Les installations sont en phase de test.

En plus d’être une possibilité de remplacement, cette technologie s’avère donc même plus performante ?

"L'avantage majeur de la communication numérique en ondes courtes est que le délai n'est que de 33 m/s de Tokyo à Chicago (environ 10000km),

alors qu'il est de 260 m/s en communication par satellite et de 50 m/s en fibre optique. De surcroît les coûts de construction et d'exploitation sont moindres.
Et en effet, outre la rapidité, la transmission sur ondes courtes réduit les risques face à des coupures des autres modes de liaisons, causées par des sabotages opérés par des puissances ennemies."

Et il y a également des applications d’ordre militaire …

"Depuis ces dernières années, l'OTAN s'est activée à réinstaller des liaisons en ondes courtes pour communiquer en data avec ses navires.

Des budgets ont été alloués pour réinstaller des stations en ondes courtes dans les différents pays.
La France a testé les Alliss d'Issoudun pour ce genre de service."

En tous cas, à propos des ondes, il est essentiel de ne pas faire n’importe quoi, au risque d'engendrer de graves conséquences pour la planète …

En effet, dans les années 70, les russes ont mené des expériences sur le site de l'émetteur ukrainien de Luch Mykolayiv en utilisant au départ un émetteur de 1000 kW,

couplé ensuite à un second, puis à un troisième !

Ce sont donc trois émetteurs de 1000 kW en parallèle qui diffusaient en direction de Washington.

Vue depuis un avion, l'antenne avait une forme de parabole constituée de treize pylônes verticaux orientés en courbe.

Le but c’était que la réception soit aussi bonne et même meilleure que celle des émetteurs locaux des États-Unis ou la puissance était limitée à 50 kW !

À mesure que la puissance de l'émetteur d'essai atteignait 2000 kW, ils ont constaté que la force du signal reçu commençait à diminuer.

À 3000 kW, le signal reçu avait presque disparu.

Le signal diffusé par les 3 émetteurs était d'une telle puissance qu'il chauffait l'ionosphère au point de laisser passer les ondes vers l'espace au lieu de les réfléchir vers les États-Unis.

Ils ont découvert que la brûlure créait réellement un trou dans l'ionosphère. Cela entraînait des conséquences sur la météo !

Le programme d'émetteurs hautes puissances a été annulé et peu de temps après de nombreux ingénieurs ont été mis à pied …

Par la suite, les ukrainiens ont requalifié le site pour émettre des émissions en ondes moyennes à destination de leur public,

mais il a été détruit ces derniers mois par des bombardements … »

Thierry Mathieu,

Président d'e-crossmedia,

le 13 mai 2023.