Certains l'adulent, d'autres appellent carrément à sa privatisation...
Les détracteurs des services de l’audiovisuel public jugent que dans des paysages audiovisuels où l'offre de programmes est aujourd’hui surabondante,
cette taxe est dépassée et sans fondement.
La France l’a supprimée, avec les impôts locaux,
en transférant le financement au budget global de l’état.
En Grande Bretagne,
des coupes drastiques ont été décidées et conduisent à une réorganisation très importante à la BBC :
une baisse conséquente des effectifs et une actualisation des offres sont conduites dans le but de rationaliser les moyens.
Voici donc que se pose la question aussi en Suisse où des voix se sont élevées
et ont obtenu l’organisation d’un référendum.
Le niveau de vie comparé à la France y est plus élevé :
avant de disparaitre la redevance coûtait içi annuellement 138 euros par foyer en métropole, et 88 outremers,
elle atteint aujourd’hui encore plus de 330 euros en Suisse.
"200 francs, ça suffit !"
Voilà le slogan d’un parti de droite qui mène une campagne passionnée, avec des publicités, des débats…
Pour contrer cette proposition,
le gouvernement entend maintenir une garantie de budget plus décente pour la SSR,
la Société Suisse de Radiodiffusion..
Son projet est de fixer la contribution à 300 :
Trente francs de moins que l'actuelle taxe …
Pour ceux qui remettent en cause le service public, le compte n’y est évidemment pas…
Mais pour le Conseil fédéral, réduire la quote-part de la redevance attribuée à la SSR de 1,25 milliard de francs aujourd'hui à environ 650 millions,
aurait de vastes conséquences sur l'offre journalistique
et l’ancrage régional de la SSR,
qui est organisée de manière fédéraliste.
Pour comprendre il faut avoir en tête que les 5 radios les plus écoutées dans le pays sont toutes produites par le service public.
Elles parlent évidemment à leurs auditeurs, en collant à leurs identités diverses.
Pour un peu moins de 9 millions d’habitants, 70 % s’expriment en allemand, 20 % en français, et les autres en italien.
Coutumes folkloriques, dialectes savoureux, styles de vie différents…
Les spécificités culturelles et linguistiques font de la Suisse un pays unique.
La SSR s'appuie sur la grande diversité des besoins de la population avec l'offre exhaustive de la RSI, RTR, la RTS et SRF,
que ce soit dans l'information, la culture, l'éducation, le sport ou le divertissement.
En termes de sondage, logiquement compte tenu de la population, ce sont 2 stations alémaniques qui raflent les plus fortes audiences SFR et SFR 3.
Arrive ensuite une offre musicale -Radio Swiss Pop -qui est diffusée en DAB+ sur l’ensemble de la confédération.
La 1ère ,la grande généraliste de la Radio Suisse Romande, se classe en 4ème position,
devant une offre produite également en langue allemande SRF Musikwelle.
Il existe bien évidement de nombreuses stations privées mais elles n’occupent qu’un bon tiers du marché,
et les radios étrangères seulement quelques 4 %.
Avec un service public aussi puissant, on comprend l’enjeu du débat politique qui mobilise les esprits pour le maintien, ou non,
des moyens qui lui sont aujourd’hui encore alloués.
Pour certains observateurs, la question est surtout politique.
D’une part les partis populistes considèrent, comme ailleurs en Europe ou aux Etats Unis,
que le service public sert et représente l’élite de la population.
La santé économique de la Suisse étant plutôt sereine, pourquoi ne pas permettre à des acteurs privés d’y investir, disent-ils,
et leur faciliter la possibilité de financer des médias, destinés aux 3 identités linguistiques du pays.
Ils permettraient de diffuser des points de vue plus tranchés, en phase avec les populations.
Et surtout çà ne coûterait rien à l’état !
Le gouvernement souligne de son côté que l’actuel système repose sur une forme de mutualisme qui permet à tous les concitoyens,
quelle que soit leur région et donc leur langue, de bénéficier de la même qualité de service.
Dans ce but, une répartition des budgets est mise en œuvre pour que les alémaniques qui sont les plus nombreux
partagent la manne avec les romands et les suisses italiens.
Fait assez récent aussi,
3 programmes exclusivement diffusés en DAB+ s’adressent à l’ensemble du pays.
Ils sont dédiés à la musique pop,
elle signe même dorénavant
la 3 -ème audience nationale,
au jazz et au classique.
Ces 3 stations sont une forme nouvelle de trait d’union entre les différentes entités de la nation helvétique.
La campagne commence donc à faire du bruit, et débouchera d’ici quelques mois sur un référendum.
Si le gouvernement ne parvient pas à calmer les esprits avec sa proposition de 30 francs en moins par foyer,
la majorité des suisses pourrait s’exprimer pour la baisse de la contribution à 200.
Pour garantir le maintien des services rendus par la SSR au public,
le gouvernement devrait alors compléter en piochant dans ses caisses, sur les recettes de l’impôt global…
En attendant, comme le note un professionnel suisse ...
"La situation dans laquelle la SSR se trouve pour rendre compte de cette initiative populaire est délicate.
Par définition, elle ne peut pas prendre partie.
Elle a évidemment l'obligation d'inviter dans ses émissions et débats les partisans de cette initiative populaire,
et naturellement aussi les opposants.
Tout le personnel de la SSR est invité fermement à ne pas prendre position,
ni à l'antenne, ni sur les réseaux sociaux.
Au final, la SSR ne peut convaincre le peuple de son utilité qu'à travers ses programmes au quotidien.
En prouvant qu'elle est bel et bien un service PUBLIC au service du PUBLIC.
Un service public respectueux de la loi et de la pluralité des opinions."
Ce débat passionné à propos de l’audiovisuel public intervient alors que la radio célèbre ces temps-ci en Suisse ses 100 ans.
C’est en effet en 1923 que la Confédération autorisa les premières émissions radiophoniques régulières avec les émetteurs de radiocommunications aéronautiques.
Plusieurs radiodiffuseurs virent alors le jour.
Lausanne émit officiellement à partir de 1923, Zurich en 1924, Berne et Genève en 1925 et Bâle en 1926.
La première radio a pris son envol grâce à la nouvelle liaison aérienne entre Paris et Lausanne.
Pour assurer la sécurité de l'avion, il fallait un émetteur "sans fil" qui permette de passer des communications de service.
De là est née l'intuition de quelques passionnés.
Puisqu’il n'y avait qu'un vol par semaine, pourquoi ne pas cette antenne le reste du temps pour passer de la musique ou même la voix humaine ?
Des hymnes, une déclaration, et même un concert en direct avec un petit orchestre et une cantatrice étaient au conducteur de la première émission.
Aurait-on confié ce jour-là, au moins l’atterrissage de l’avion, au secteur privé ?
Thierry Mathieu,
e-crossmedia,
le 14 novembre 2023,
Avec Albino Pedroia,
directeur associé du Lab Radio, consultant pour France Médias Monde et la Rai Radio.
Il est aussi ancien Dirigeant chez Havas et Canal+.
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