"Le créole doit être enseigné à l'école, comme le français" disent les élus de Martinique à la quasi unanimité. En attendant l'accord ou non de l'état français, quid de la pratique des langues régionales dans les médias ?

 

L'Assemblée de Martinique a examiné ce jeudi, en séance plénière, une proposition visant à conférer au créole le statut de langue co-officielle du département,

au même titre que le français.

La délibération portant sur la reconnaissance du "rôle et de la place de la langue créole" a été adoptée.

À terme, la Collectivité territoriale souhaite rendre obligatoire l'enseignement de la langue dans tous les établissements scolaires de l'île. 

L’intervention de l'État, par le biais de l'Éducation nationale sera nécessaire mais aussi, vraisemblablement, par le vote d'une loi.

Après le scrutin d'hier,

les élus de l’Assemblée ont observé une minute de silence en mémoire de ceux qui ont œuvré pour le créole.

 

 

Et dans les médias, quelle est la place accordée aujourd’hui aux langues régionales ?

Des efforts sont réalisés pour qu’elles soient mieux diffusées,

mais cela reste souvent très marginal …

Les plus pratiquées sont incontestablement les créoles des outremers : près de 1 500 000 personnes les parlent !

 

Sorry its not set :(

 

Coup de fil à Cyril Boutier, directeur de l’information de France Antilles, leader en Martinique comme en Guadeloupe :

"Nous publions très rarement un article complet en créole parce que c’est une langue parlée !

Même entre universitaires il peut y avoir parfois des désaccords sur la manière d’écrire !

Pour la journée internationale du créole le 28 octobre, donc de manière évènementielle,

nous publions des articles un peu plus longs en créole.

Mais au quotidien c’est surtout dans des titres ou dans des expressions qui viennent au milieu d’un papier.

Il faut que ce soit compréhensible par tout le monde !

 

Et à la manière de rares journaux en métropole qui publient en langue locale, comme en Alsace ou en Corse,

vous pensez qu’une telle offre aurait sa place aux Antilles ?

Au jour le jour, ce serait compliqué, parce qu’une fois encore c’est une langue parlée.

Même pour les vrais créolophones, un article de 4 000 signes pourrait s’avérer fastidieux à lire,

cela ne s’adresserait qu’à une niche de lecteurs.

Et puis, beaucoup pensent que quand un sujet est sérieux il doit être écrit en français.

Même si dans la vraie vie, des discussions très pointues, peuvent s’exprimer en créole…

 

Sorry its not set :(

 

Mais avec cette délibération du Conseil Territorial,

la reconnaissance de la langue est appelée à être enseignée et donc plus reconnue,

et les médias devront sans doute suivre le mouvement ?

Cela a été voté par des élus,

maintenant c'est aussi une décision très politique qui va se heurter à la constitution française et à la validation par l’état.  

On va entrer dans un processus long et compliqué d’échanges comme cela existe en Corse depuis des années...

Il y a la langue française et à côté des langues régionales mais, elles ne deviennent pas officielles.

Il est évident que pour nous, médias, c’est quelque chose à prendre en compte, mais nous ne sommes qu’au début de tout ce processus.  

Même si la langue créole prend sa place dans l’enseignement, souvenons-nous que 30 ans en arrière, il était interdit de la parler à l’école !"

 

Sorry its not set :(

 

Du côté de l’audiovisuel public ...

France Télévisions avec les 9 télés, radios et sites internet "Pays" privilégie la proximité dans leur offre de programmes

et fait appel à tous les genres dans une ligne éditoriale proche des cultures et des environnements des territoires ultra-marins français.

Leurs offres contribuent donc à l'expression des langues régionales comme le prévoit le cahier des charges.

Certaines tranches d'info et de programmes leur sont intégralement consacrées.

 

Sorry its not set :(

 

Dans le secteur privé,

l’exemple à la radio du groupe RCI , leader lui aussi tant en Guadeloupe qu’en Martinique :

Coup de fil à Yves Malbranke, directeur d’RCI à Fort de France :

"Dès que les auditeurs s’expriment à l’antenne, c’est 60% en créole et 40% de français, c’est très souvent un mélange des 2.

Nous ne diffusons pas d’émissions totalement en créole parce que cela ne correspondrait pas à la réalité.

Con usage mixé naturellement à la langue française fait partie intégrante de la vie des gens …

Coté programmation, 7 disques sur 10 sont chantés en créole puisqu’il y a une très importante production locale musicale.

Les autres titres sont souvent anglo-saxons et parfois des gold français.

 

Et pour les rendez-vous d’info ?

Nos journalistes ne sont pas tous créolophones et ce n’est donc pas imaginable de présenter une édition en langue locale …

Les lancements des reportages dans la voix des présentateurs, leurs papiers sont écrits en français.

En revanche quand l’auditeur écoute le résultat complet à l’antenne, c’est un mélange permanent …

Il n’y a pas un rendez-vous d’info durant lequel une personne interviewée, quel que soit le thème, ne s’exprime pas tant en français qu’en créole !

C’est la même chose sur nos sites internet et nos applications …

 

Sorry its not set :(

 

L’autre jour, un auditeur antillais expliquait en direct qu’il parle créole toute la journée, mais qu’il ne sait pas l’écrire.

L’envie de réhabiliter cette langue est finalement assez récente dans les familles.

Les grands parents de nos auditeurs interdisaient même à leurs enfants de parler créole …

Il fallait s'exprimer français à l’école et aussi au sein des familles.  

Aujourd’hui on est donc plus du tout dans cet état d’esprit, une dictée en créole est même organisée tous les ans.

Les élus de l’ile ont donc exprimé ce jeudi leur volonté que la langue soit enseignée à l’école comme cela s’est passé déjà en Corse,

mais l’état n’a toujours pas donné son accord !

Dans tous les cas, en tant que média de proximité, nous nous adapterons aux usages et à la réalité de notre terrain !"

 

 Au-delà de l’hertzien, avec la montée en puissance d’internet,

nombre de webs radios, souvent à l’initiatives de passionnés ou d’associations, contribuent elles aussi à faire vivre les langues locales …

 

Sorry its not set :(

 

https://www.annuairedelaradio.fr/radios-communautaires/radios-en-langues-regionales/

 

Près des 2 tiers des 307 langues et dialectes de France répertoriées par le CNRS sont pratiquées dans les territoires ultramarins.  

Parmi elles, les différents créoles des Antilles, les 28 langues kanak, les 12 langues de Guyane...

Mais aussi le mahorais, le malgache de Mayotte, le tahitien, le marquisien, la langue des Tuamotu, le walisien, le futunien...

Le CNRS a réalisé un travail exceptionnel dans son unité basée à Saclay.

Les chercheurs ont eu l’idée de proposer un texte unique qui est lu dans toutes nos langues.

Voici l'atlas sonore : https://buff.ly/42e9GuC
Une fable d'Esope a été enregistrée dans nos 307 langues ou patois différents, révélant l'immense richesse linguistique de notre pays.

Exemple sur cette vidéo avec le texte lu à Paris,

puis à la frontière belge, en Provence, en Aquitaine, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et au Québec :

 



En 2022 sur Terre, seulement 20 langues sont parlées par 95% de la population.
7 000 langues se partagent les 5% restants.

Mais l'UNESCO recense la disparition définitive de 25 à 50 "langues maternelles" par an,

ce qui fait que la moitié des langues du monde aura disparu avant la fin du siècle.

Sur ce terrain, la France est dans une position ambigüe.

Il faut dire que, même si depuis quelques décennies des efforts notables pour que continuent à vivre les langues régionales sont réalisés,

depuis François 1er, elle a pratiqué une intense politique de langue unique.

 

Thierry Mathieu,

Président d’e-crossmedia,

le 26 mai 2023.

 

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