Sur les réseaux sociaux, l'avenir de l'audiovisuel public suscite de plus en plus d'interrogations et de commentaires, surtout à propos de l'action régionale.
Dernière en date, cette publication concernant France Bleu : "Les incontournables".
La communication du siège met en évidence les émissions qui sont réalisées à Paris, pour toutes les stations locales, et non les régions.
Pour de nombreux internautes, c'est tout simplement un non-sens : le contraire de l'ADN de ce réseau de radios de proximité.
France Bleu : c'est une fédération de 44 stations de service public, dont LA RAISON D'ETRE est de faire vivre leur région, de parler de leur territoire :
c'est, depuis leur création, leur mission.
Animateurs, journalistes, techniciens dans les territoires : ce sont eux les INCONTOURNABLES !
Ils et elles sont sur leurs terrains, les réelles chevilles ouvrières de ce qui a, un temps, été une très belle réussite.
Les localiers, au sens le plus noble du terme, savent de quoi ils parlent.
Ils sont en réelle proximité géographique et affective avec LEURS publics.
Ce qui devrait être "incontournable" pour France Bleu, ce ne sont pas les émissions "natios", mais ce qui se passe parfois sur les rond-points !
Comme le rappelle François Desnoyers, à l'époque Directeur Général Délégué de Radio France, l'un des créateurs de France Bleu :
"France BLEU est, nativement, un réseau fédéré autour d'une marque unique avec des éléments communs d'identification,
à des fins de cohérence de communication et de visibilité.
France Bleu n'est certainement pas UNE seule radio, mais bien UN ENSEMBLE de 44 stations.
Nous avions obtenu du Comité Radio de Médiamétrie, à la création de cette marque, que le chiffre d'audience consolidée nationale figure, tel une MOYENNE, dans la catégorie des généralistes.
Dès lors les locales on joué dans la ligue 1 de la radio !
Une locale de service public demeure fondamentalement un programme généraliste entièrement dédié à son action de proximité.
C'est donc bien sur ces bases que s'est construit un consensus social au sein de l'entreprise.
C'est ce qui a permis à ce réseau de croître jusqu'à 8% d'audience cumulée.
Il ne totalise plus que 5 % aujourd'hui.
Ce résultat d'audience est infiniment plus bas que celui des locales, avant la création de France Bleu."
Les "tranches" produites à l'échelon central ne devraient être considérées et affichées, que comme des compléments.
Mais elles prennent pourtant toujours plus de place sur la grille !
C'est, pour beaucoup, la conséquence de la variable d'ajustement budgétaire sur l'ensemble du groupe Radio France, qui impacte surtout l'action régionale.
Ne serait-ce pas l'une des raisons de l'éloignement du public ...
Quid de l'avenir ?
Replacer "le citoyen" ... au centre !
Au centre de la réflexion, de la stratégie, et de l'action : le citoyen de la proximité géographique et affective : c'est à dire nous tous !
C'est depuis l'origine la mission des France Bleu.
Elles sont dévolues à l'action régionale, au public "populaire" au sens noble du terme, ce public qui ne se reconnaît pas forcément dans les autres stations de Radio France.
Aujourd'hui se pose donc, en quelque sorte, le même questionnement qu'il y a une vingtaine d'années.
Hors de question, pour autant, d'être passéiste ou conservateur, d'adopter une posture en mode "c'était mieux avant" !
Il s'agit désormais de réfléchir en intelligence avec la télévision régionale de service public.
L'actionnaire en a décidé ainsi.
De facto, le numérique ne doit plus seulement être une valeur ajoutée en parallèle des antennes, mais être pleinement considéré comme la pièce maitresse de ce nouvel ensemble, quitte à malmener les pratiques des médias traditionnels.
L'enjeu est de concevoir et de construire le nouveau média de service public de proximité qui, tout en tenant en compte des contraintes budgétaires, se donne les moyens de poursuivre sa mission.
C'est un objectif tout à fait enthousiasmant, noble, et d'intérêt général.
C'est bien du terrain, des terrains, et non de bureaux parisiens qui ont perdu de vue l'ADN de la marque, que doivent jaillir les idées.
Tant sur le fond que dans la forme, avec pour seul objectif le service à rendre aux publics,
sur un mode "actualisé", qui prend en compte l'évolution du mode de consommation des médias.
PS : cela va sans dire, mais ca va mieux en l'écrivant :
tout ceci n'a rien à voir, comme beaucoup le craignent, avec la reconstitution d'une certaine ORTF !
Thierry Mathieu, Président d'e-crossmedia, le 24 novembre 2022.