Les militaires ont intégré depuis bien longtemps dans leurs plans opérationnels les principes de la société de communication,
et la structuration du monde en un réseau serré de médias.
La maîtrise des représentations de la guerre a acquis le statut de variable stratégique au même titre que la désorganisation des moyens de communication de l’ennemi…
Il y a donc aujourd’hui pile 80 ans, quelques mois après la gigantesque bataille de Stalingrad,
3 500 engins blindés allemands et autant de soviétiques se font face le 5 juillet à Koursk.
En une semaine seulement, les nazis vont y perdre 100 000 hommes.
C'est l'échec de l'opération baptisée "Citadelle".
L’armée du IIIème Reich entame alors sa retraite,
qui se terminera près de deux ans plus tard dans les ruines de Berlin...
Au cœur de la seconde guerre mondiale,
quelques rares médias parviennent tout de même à rendre compte des évènements de Koursk ...
Des blindés flambant neufs de la Wehrmacht sont massés à la frontière ukrainienne dans le but de saigner à blanc les forces soviétiques.
Cette boucherie de fer et de sang n’est pas, pour autant, racontée comme le sont aujourd’hui presque en direct les batailles qui se déroulent sur le même terrain.
Koursk déjà,
Koursk encore ...
Mais la manipulation et la propagande que nous connaissons toujours 80 ans plus tard, occupent en tous cas déjà le terrain …
En France, la presse de la zone occupée, donc pro allemande, va de la discrétion au triomphalisme.
Le Petit Parisien prétend le 10 juillet qu’à Koursk, c’est l’Allemagne qui triomphe,
annonce une percée de 60 kilomètres,
et affirme que la Wehrmacht détient 420 chars de plus que les Russes …
Le quotidien, devenu organe de propagande sous le joug de l'occupant, ne relate que les pertes soviétiques !
En zone libre en revanche, comme par exemple en Afrique du Nord,
l’Echo d’Alger ne subit pas les injonctions de l’occupant.
Le journal souligne même dans ses colonnes
"le caractère décisif de la contre-offensive de l’Armée Rouge".
En métropole,
la politique collaborationniste du Maréchal Pétain est diffusée à la radio par des ténors
comme Jean Hérold-Paquis avec sa célèbre formule
"L'Angleterre, comme Carthage, sera détruite !",
ou le milicien Philippe Henriot.
Au fil des jours tout de même,
Radio Paris finit par changer de ton ...
L’ennemi -donc l’Armée Rouge- est présenté comme une "forte nation militaire"...
Les auditeurs se disent que la station a du reçevoir l’ordre de la part de la propagande,
de préparer l’opinion à un échec !
A Berlin ou à Moscou, la place accordée à cette bataille, qui s’avèrera décisive, est bien évidemment différente.
L’agence allemande se limite à une courte dépêche,
et les infos livrées sont volontairement très floues :
"Des précisions ne pourront être données que dans deux ou trois jours ...".
Les journaux soviétiques en revanche publient alors de longs articles avec forces détails !
Avoir recours à des techniques de persuasion pour propager, par tous les moyens disponibles, une opinion ou une idéologie, influencer, endoctriner …
La recette est toujours la même :
mélanger sciemment l’information et l’opinion pour éliminer le pluralisme des points de vue,
et empêcher l'exercice de l'esprit critique.
Nombre de rédactions ont dû plier face aux injonctions propagandistes comme lors de cet épisode il y a 80 ans.
Elles étaient pourtant professionnelles,
et par principe formées pour être attachées à la vérification des infos et au nécessaire pluralisme...
Depuis peu tout à chacun, avec son smartphone et les réseaux sociaux, détient une force de frappe potentielle tout aussi puissante,
en termes de diffusion donc d’audience que les journalistes professionnels ...
Même s'ils les critiquent en permanence,
force est de constater que les "amateurs" de l’actu ne se montrent pas pour autant plus vertueux que les pros …
Loin s’en faut !
Thierry Mathieu,
Président d'e-crossmedia,
le 5 juillet 2023.
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