C'est un beau bébé, mais c'est aussi l'histoire d'un accouchement au forceps ...
"ICI", l'appli dédiée à l'action régionale de l'audiovisuel public en métrople est maintenant déployée et disponible.
Elle promet de "retrouver toutes les dernières informations près de chez vous en configurant la zone qui vous intéresse".
Avec la moitié des matinales de France Bleu d'ores et déjà co-diffusées par France 3, cette application est le fruit de la volonté gouvernementale de voir les équipes de Radio France et de France Télévisions en région se rapprocher, pour ne pas dire "fusionner".
Le projet de "holding" de l'audiovisuel public porté par Franck Riester, le ministre de la culture au début du quinquennat d'Emmanuel Macron, a avorté.
Il y a fort à parier que d'ici quelques semaines ce dossier revienne sur la table. De part et d'autres de la Seine à Paris, les équipes dirigeantes de Radio France et de France Télévisions s'y préparent, le leadership de l'une des 2 pédégères en dépend.
Pourtant, au sein de chaque entreprise les syndicats, globalement, sont toujours opposés à l'application "Içi".
Chaque maison demeure attachée à sa marque, son service, sa ligne éditoriale. Et puis ... Les réalités sociales et salariales demeurent bien différentes.
Pour alimenter le site web de France Bleu qui connaît un très beau succès d'audience, la grande majorité des collaborateurs n'est pas rémunérée. Cette tâche s'additionne à leur métier originel d'homme et de femme de radio.
Coté France Télévisions en revanche des équipes, distinctes des antennes, sont dédiées au web.
D'une entreprise à l'autre la disparité des salaires demeure aussi évidente : les journalistes et les animateurs gagnent mieux leur vie à FTV qu'à RF. Allez savoir pourquoi ...
En vérité, il y a également cette inquiétude : les gens de radio craignent d'être "mangés" par la télévision !
C'est d'autant plus preignant que les chiffres d'audience du réseau des radios locales de Radio France sont toujours plus en berne.
Ce jeudi 21 avril, Médiamétrie publiait des résultats préoccupants pour la période janvier-mars : 5,6% d'audience cumulée pour France Bleu.
Avant même la création de cette marque le 4 septembre 2000, et avec moins d'implantations, les radios locales fidèlisaient un plus grand nombre d'auditeurs.
La refonte de l'offre axée sur le concept "Vu d'ici" en ciblant le public dit "poupulaire" a même permis d'atteindre les 8% d'audience !
Depuis, pour bon nombre d'observateurs ces stations ont perdu leur ADN, leur raison d'être, la proximité.
Au grand regret des 44 équipes locales.
Leur format, d'année en année, s'est vu dénaturé par les directives motivées essentièlement par des arguments budgétaires.
Il est admis, à mots couverts, que l'action régionale à Radio France est devenue depuis des années la variable d'ajustement budgétaire de l'ensemble du groupe.
Des dizaines de cadres locaux, qui ont durant quelques années contribué au succès, ont été poussés vers la sortie.
Le management s'est vu confié à des professionnels pour beaucoup venus du secteur privé, bien éloignés des savoir-faire nécessaires pour porter l'ADN de la chaîne.
Celà a induit des inepties éditoriales.
Les samedis lors des manifestations des gilets jaunes par exemple, les stations locales n'avaient pas les moyens de couvrir les évènements sur leur terrain, faute de budget leurs antennes locales étaient muettes.
Elles retransmettaient toutes le programme "national" : un non sens stratégique pour des radios dont la raison d'être est précisément la proximité !
Ne serait-il pas temps, quitte à devoir "rationnaliser" pour des raisons budgétaires, de se reposer les questions essentielles, de réaffirmer les missions de service public de ces stations locales, comme d'ailleurs des antennes de télévision régionale ?
N'est-il pas temps de revenir aux fondamentaux tout en s'adaptant aux nouveaux usages de consommation des médias ?
Pourquoi, en l'occurence, ne pas s'inspirer de l'existant :
France Télévisions avec les 9 implantations ultramarines des "1ères", a pris de l'avance depuis des années en cherchant à alier les savoir-faires de la radio, de la télévision et du web.
Même si le modèle reste perfectible et ambitionne de mieux performer, cette organisation démontre son efficacité. Elle permet en édition spéciale, lors de graves évènements climatiques par exemple, d'optimiser la force de frappe de l'ensemble : le recours au "crossmedia" est désormais une configuration bien rôdée. Or, ce qui est vrai en des circonstances exceptionnelles peut évidemment l'être au quotidien. L'union fait la force !
En termes d'organisation la création de postes inovants de directeurs/trices de "contenus", en charge de faire travailler l'ensemble des équipes "TV-FM-Web" dans l'intérêt de la marque unique, est une piste ambitieuse et avant-gardiste.
Il y a du grain à moudre, si tant est que la réflexion soit confiée à des professionnels et pas seulement à des technocrates en charge des finances.
e-crossmedia, le 22 avril 2022.
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