L’identité et les valeurs de l’Amérique éternelle,
dont les conservateurs seraient les dépositaires exclusifs…
C’est par la radio que ces idées ont d’abord été massivement répandues,
par Rush Limbaugh,
un ex-DJ
devenu pendant 30 ans le chroniqueur politique le plus écouté des Etats Unis !
Né à Cap-Girardeau, une petite ville du Missouri,
il débute la radio à 17 ans et anime une émission musicale.
En 1984, une station de Sacramento en Californie lui offre sa première tranche
dédiée à l’actualité :
pas d'invité, seulement son analyse politique conservatrice.
Et dès 88,
il pilote un programme depuis NewYork
sur la puissante WABC.
C'est le début de sa réussite personnelle et de sa renommée nationale.
C’est donc bien avant l’émergence du web et des smatphones,
ou aussi que la chaîne Fox News serve d’hautparleur à la sphère trumpiste,
que les idées de droite radicale déferlent sur les ondes américaines.
Puissant instrument de la contestation conservatrice
et média de prédilection des Républicains au cours des années 1990,
la radio conservatrice engage alors un bras de fer permanent avec les médias grand public.
650 stations au Etats Unis re diffusent son émission de WABC !
Rush Limbaug y appelle déjà à combattre de façon radicale
ce qu’il qualifie au micro de "forces subversives" :
les démocrates, les progressistes, les universitaires, l’industrie du divertissement
ou les médias d’infos grand public.
Son succès exponentiel coïncide avec la première guerre du Golfe.
Il soutient, alors, l'effort de guerre US
et tourne en ridicule les militants pacifistes.
En réalité,
le phénomène "Limbaugh" est en large partie dû alors à une décision fédérale :
la déréglementation du secteur des médias …
Comme l’explique Sébastien Mort,
Maître de conférences en sociétés et cultures des États-Unis à l'Université de Lorraine :
"En 1987, l’administration Reagan révoque la "Fairness Doctrine".
Ce texte impose jusqu’alors aux diffuseurs de produire des contenus en rapport avec les préoccupations des communautés au niveau local,
et comprend une série de garde-fous contre l’attaque personnelle et l’éditorialisation à outrance.
L’abrogation s’assortit également d’un relâchement des règles de propriété
qui se traduit par l’accroissement du nombre de stations qu’il est légal de posséder sur un même marché.
Par ailleurs, la domination écrasante de la FM fait de l’AM un média résiduel, peu cher à l’achat.
La moindre qualité sonore n’affecte pas la diffusion des contenus parlés,
à l’inverse des programmes musicaux qui ne peuvent être diffusés qu’en FM".
C’est en réalité déjà la fin de l’âge d’or de l’information hertzienne
avec un nombre limité de stations,
du rôle écrasant d’ABC, CBS et NBC et de la grande presse,
et l’émergence d’une multitude de nouveaux supports qui remettent en cause la domination des médias traditionnels.
A cette époque,
les catégories d’émissions d’info ou de divertissement deviennent aussi caduques :
c’est l’apparition, donc à des fins politiques d'abord, de l’infotainment.
Avec 20 millions d’auditeurs en 2001,
il signe le plus gros contrat de l’histoire de la radio :
285 millions de dollars pour neuf ans d’émission.
Même s’il avoue à ses auditeurs être devenu complètement sourd !
Il déclare au New York Times :
"Je fais partie du paysage de l’Amérique,
je m’adresse aux gens directement,
sans passer par les médias.
Je suis LE média ».
Septuagénaire en 2020
il conspue toujours les médias et inonde les ondes de propos racistes et homophobes,
mais près de 16 millions d’auditeurs lui restent fidèles.
A son décès, il y a 3 ans,
Donald Trump qui lui a décerné l’honneur civil,
la plus importante distinction qui puisse être accordée aux Etats-Unis,
lui a rendu hommage :
"Il m’a soutenu dès le début,
c’était un grand gentleman,
un gars unique.
Il avait une perspicacité extraordinaire.
Rush était persuadé que nous avions gagné l’élection présidentielle de 2020,
et j’en suis persuadé aussi d’ailleurs.
Je crois que nous avons gagné de manière considérable".
Pour l’ancien président républicain George W. Bush …
"Même s’il était impétueux, parfois controversé et toujours campé sur ses idées,
il exprimait ses opinions en tant que porte-voix pour des millions d’Américains".
L’assaut violent il y a 3 ans contre le Capitole par des supporters de Donald Trump
convaincus de se porter au secours de leur pays
apparaît pour certains analystes du phénomène "Rush Limbaugh"
comme l’aboutissement logique et tragique d’un processus enclenché sur les ondes.
Depuis donc des décennies,
et à la radio.
Thierry Mathieu,
e-crossmedia,
le 3 novembre 2024.
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