Donner la parole à Le Pen ? Quand la question se posait ... Edito.

 

"Bonjour Mr le Président.  

Merci de nous accorder quelques instants pour cette interview ..."

 

Nous sommes en 2002 durant la campagne présidentielle.

Je m’adresse à Jean-Marie Le Pen au téléphone,

et son assistante,

avant de lui passer mon appel,

vient d’insister :

"Dites bien

Monsieur le Président ...

Sinon votre conversation ne se passera pas bien !"

 

Rédacteur en chef de France Bleu Sud Lorraine,

je me trouve en studio pour donner la parole au Président du Front National.

Il s’apprête à tenir le lendemain un meeting dans notre région.

 

Plus tôt,

en conférence de rédaction,

la question de diffuser ses propos s’est posée avec mes collègues.

L’avis général est alors négatif.

En charge d’une antenne de service public et du nécessaire pluralisme à honorer,

c’est moi qui hérite donc de ce qui apparaît alors comme une corvée.

 

L’entretien se passe tout de même de manière cordiale.

Le leader d’extrême droite exprime son point de vue,

ses arguments de campagne,

sans outrance…

Même si son parti ne réalise pas encore à cette époque au niveau national

les résultats à 2 chiffres

que l’on connaît aujourd’hui,

j’ai le sentiment d’honorer dignement ma fonction.

Tant de confrères ont vécu celà ...

 

Cette humble anecdote personnelle n’est pas un détail 

de mon histoire professionnelle.

Dans ce petit studio-cabine destiné à l’enregistrement de conversations téléphoniques,

face à mon micro alors que j’enregistre l’interview de ce Président de Parti qui ne représente pas encore un tiers du vote des français,

je me souviens me sentir un peu seul face à ma conscience.

J’ai comme tout à chacun en tête ses sorties scandaleuses,

ses faits d’armes sulfureux.

Comme tout à chacun j’ai en mémoire sa passe d’arme avec Bernard Tapie avec les gants de boxe

si maladroitement posés sur la table du plateau de télévision par Paul Amar,

et tant d’autres épisodes nauséabonds sur différentes antennes.

 

Ce jour-là, je n’ai pas encore conscience qu’en réalité

le Front National est parmi les premiers à avoir investi internet.

Bien avant qu'il soit reformaté en "Rassemblement" par sa fille,

le parti sait contourner les médias institutionnels,

professionnels

pour y exercer sa propagande,

comme le fera ensuite Jean Luc Mélenchon et La France Insoumise à l’autre extrême de l’échiquier politique.

Tous les 2 prétendent ainsi contourner une prétendue pensée unique …

 

Même si depuis le 1er février 1984,

de part la volonté du Président Miterrand,

l'accès aux grands médias lui était ouverte :

la fameuse "Heure de vérité" ...

Il est alors reçu sur les antennes,

et ceux qui l'interview sont marqués par l'animal politique.

Même si beaucoup se pincent le nez...

 

L’insécurité, l’islam, l’immigration…

Déjà à l’époque c’était en large partie les préoccupations quotidiennes des citoyens,

en tous cas dans la France dite "périphérique" comme en Lorraine évidemment,

celles que percevaient moins, d'évidence, les rédactions nationales

qui siègent à Paris.

 

Manifestement l’heure n’est plus aux états d’âme,

aux questionnements idéologiques

que certains continuent toutefois à considérer comme fondamentaux.

Force est de constater que les idées portées par le leader décédé ce mardi ne relèvent plus,

quitte à le regretter,

de l’outrance.

Les faits d’actualité qui apparaissaient pour beaucoup comme de l’indécente fiction

relèvent désormais de la réalité.

En témoigne le marasme actuel, issu des urnes.

Aujourd’hui,

l’ensemble des médias professionnels les regardent, plus ou moins, en face

pour tenter de continuer à exister

face aux réseaux sociaux pour ne pas dire du dark web.

 

La question de parler ou non de l’extrême droite ne se pose plus.

Depuis la mi-journée ce mardi,

tous les médias d’info sont en édition spéciale …

 

Thierry Mathieu,

e-crossmedia,

le 7 janvier 2025.

 

 

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