Delon et les médias,
c’est un peu l’histoire d’un boxeur malgré lui qui hait la violence,
mais combat ...
A l'image de l’un de ses rôles clés dans le film de Visconti
"Rocco et ses frères".
"Sans amertume ni acrimonie,
je vous dis ici ma déception et mon dégoût qui me donnent à penser que
lorsque je pris en 1983 la décision de m’établir dans votre pays pour concourir dans ma modeste mesure à ses activités économiques et culturelles,
je pensais changer d’horizon et de niveau de pensée
alors que je ne faisais que sortir de la fange pour plonger dans la fosse septique."
Voilà ce qu’écrit il y a une quarantaine d’années déjà Alain Delon à propos de la presse helvétique.
Le grand acteur français avait, en 1983, quitté l’hexagone pour s’établir en Suisse.
Outre les raisons économiques,
Delon espérait trouver au-delà des Alpes un refuge au venin craché par la presse française,
qui selon lui,
lui reprochait tantôt d’avoir de l’argent, tantôt d’être de droite.
Il fustige le magazine "L’illustré" de Lausanne qui a la manière de Paris Match en France traite de l’actualité people.
Bien avant que ses enfants se déchirent par voix de presse ces dernières années,
il dénonce alors un "réquisitoire soviétique dont le support journalistique se voudrait être les confidences recueillies auprès de mon fils Alain-Fabien".
Après s’être indigné de ne pas avoir été consulté avant la parution des propos de son fils,
l’acteur poursuit alors :
"Je tenais jusqu’ici L’illustré en estime, que je me représentais en décoction de Paris Match plutôt qu’en photocopie d’Ici Paris."
Delon est l’une des stars à avoir toutefois collectionné le plus de Unes de Paris Match.
Comme le raconte Bruno Jeudy
l’ex-rédacteur en chef de l’hebdomadaire ce dimanche matin sur BFM TV …
"C’est lui qui décidait toujours quand il accordait une interview,
et les conditions n’étaient jamais simples .
Avec les médias, il était tout de même comme un poisson dans l’eau.
Dans le grand bain des journaux, de la radio et de la télévision,
la star entend rester maitre des publications.
Au-delà de son métier d’acteur ses prises de positions politiques font aussi couler beaucoup d’encre au fil de sa carrière
comme à propos de ses liaisons dangereuses, à une époque, avec quelques truands. "
"J’ai eu beaucoup de rapports avec le grand banditisme, je l’ai même touché du doigt", confessait-il en 2021.
Parmi ses plus grands rôles,
plusieurs personnages sulfureux ...
Parmi les dons de Delon …
Le chic pour susciter la polémique avec ses déclarations à l’emporte-pièce sur les femmes ou le monde actuel qu’il "vomit",
ou encore ses sympathies affichées pour la droite de la droite,
même s'il était venu, comme le raconte Jack Lang, se recueillir sur la dépouille de François Mitterrand sur son lit de mort.
Son attachement au Général de Gaulle est aussi très médiatisé.
Voici la lettre qu'il lui écrit à son départ du pouvoir.
"Mon Général, Depuis toujours, et plus encore depuis des ans, j'étais, grâce à vous, fier d'être Français.
Ce soir, devant l'inconscience et l'ingratitude de plus de la moitié d'un peuple,
je ressens avec effroi un sentiment de honte qui me brise le cœur.
Je tenais à vous le dire. Daignez me croire, mon Général, fidèlement et inconditionnellement vôtre.
Alain Delon".
Malgré une centaine de films, de nombreux entrés dans la légende,
il ne remporte qu’un César en 1985 pour "Notre histoire" de Bertrand Blier
et reçoit une Palme d’or d’honneur à Cannes en 2019 pour l’ensemble de sa carrière.
Des féministes américaines avaient alors vivement protesté en le qualifiant de "raciste, homophobe et misogyne."
Comment ne pas évoquer cette interview pour Télérama
de Fabienne Pascaud en 1990 ?
La journaliste lui demande ...
"Ce n’est pas être mégalo que parler continuellement de soi à la troisième personne ?"
"Mais vous n’avez donc rien compris !
lui répond la star ...
"Si je dis "Delon",
c’est, au contraire, par humilité, par simplicité :
pour éviter le "je" et le "moi" qu’utilisent en permanence les nombreux mythomanes de notre métier !
Seulement, il y a toujours eu une cabale contre moi.
Je dérange parce que je dis ce que je pense,
parce que je m’assume et que je vais au bout de mes responsabilités.
Si tout le monde faisait comme moi,
il y aurait actuellement un peu plus de moralité en France.
Si le président de la République et Raymond Barre sont au-dessus des partis,
Delon, lui, est au-dessus des partis-pris."
"Quant à vous,
je vais savoir bientôt si vous êtes comme les autres.
Si, dans votre article, vous cognez, comme tout le monde, sur Delon,
c’est que vous n’êtes pas intelligente,
c’est que vous ne comprenez rien...
Mais, après tout, Delon s’en fout.
En France, il est devenu une légende
et taper sur les légendes se retoune toujours contre l’iconoclaste :
on n’a pas le droit de s’attaquer à la France."
Mais l’une des archives qui résume peut-être le mieux le personnage
restera son passage chez Bernard Pivot.
Alain Delon a "une personnalité assez autodestructrice et à la recherche de sa propre identité",
disait le réalisateur de "Monsieur Klein" en 1976 Joseph Losey.
" Il est une tragédie".
Delon l'a répété,
il n'était pas un comédien, mais un acteur.
Il "vivait" ses rôles. Et comme il aimait à le dire ...
"Un héros doit toujours savoir mourir".
Hommage s'il en est,
celui publié en cette mi-journée par Brigitte Bardot :
Alain Delon est décédé chez lui dans le Loiret à l’âge de 88 ans
entouré de ses 3 enfants, ses 2 petites filles, et son chien.
Thierry Mathieu,
e-crossmedia,
le 18 août 2024.
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